A l’occasion des Rencontres Nationales du livre numérique accessible, nous avons eu le plaisir de découvrir le travail de Jonathan Fabreguettes, à la fois typographe et transcripteur braille.

Ton activité en trois mots.

Typographie, écriture, braille.

 

Quel est ton parcours ?

J’ai étudié 4 années à l’École Estienne à Paris : diplôme des métiers d’art, puis diplôme supérieur d’arts appliqués, avec une spécialisation en histoire des écritures et en typographie. Mon diplôme de fin d’études portait sur les hiéroglyphes et je suis parti travailler quelques mois au Caire juste après mon diplôme. J’ai créé le studio typographies.fr à mon retour en France et mon collègue Laurent a rejoint l’aventure peu de temps après.

Pourquoi t’es-tu tourné vers l’accès à l’information pour les personnes déficientes visuelles ?

J’ai découvert le domaine de la déficience visuelle des années plus tard, lors d’une conférence où une enseignante spécialisée a pris la parole pour parler du métier de transcripteur braille. Ça a été une révélation. Je me suis passionné pour le braille que j’ai appris en quelques semaines.

Au même moment le CTRDV (Centre Technique Régional pour la Déficience Visuelle), le principal centre de transcription en France, cherchait un transcripteur. J’ai passé l’entretien, obtenu le poste et je me suis installé à Lyon. J’ai donc à présent deux activités. C’est un drôle de hasard parce que, lorsque j’étais étudiant à l’École Estienne, la seule question qui me posait vraiment problème était celle des aveugles et des sourds. Comment faire aimer l’art aux personnes aveugles ? Comment faire une œuvre d’art universelle si nos sens pour l’appréhender ne le sont pas ? Cette préoccupation de faire quelque chose d’appréciable par tous effleurait sans le savoir le métier de transcripteur.

« Comment faire aimer l’art aux personnes aveugles ? Comment faire une œuvre d’art universelle si nos sens pour l’appréhender ne le sont pas ? »

Comment est né le projet Luciole ?

Le projet Luciole a débuté par un constat : les caractères typographiques majoritairement employés en France pour les personnes malvoyantes sont assez peu adaptés à leurs besoins. Ce constat est paradoxal car ce sont justement les lecteurs malvoyants qui devraient pouvoir bénéficier d’un caractère de lecture performant, pour venir soulager au maximum leurs difficultés de lecture et leur permettre d’exploiter pleinement leur potentiel visuel.

Un partenariat s’est donc mis en place entre le studio typographies.fr et le CTRDV autour de cette idée : créer un caractère typographique conçu spécifiquement pour les personnes malvoyantes et les professionnels de la déficience visuelle. On a obtenu rapidement une bourse de la fondation suisse Ceres qui nous a permis de développer le projet pendant deux années, avec également l’appui du laboratoire DIPHE de l’Université Lumière Lyon 2.

Luciole, à découvrir absolument !

Comment la typographie a-t-elle été conçue ?

Le partenariat entre les deux structures avait pour but de croiser différentes compétences : le médical (ophtalmologiste, orthoptiste), l’édition adaptée (transcripteur) et le développement de caractères typographiques (designer, développeur). On a défini ensemble des critères de design (à quoi devait ressembler le caractère) et des critères d’usage (comment le rendre accessible à l’utilisateur).

Une attention particulière a bien sûr été apportée à la question de la différenciation visuelle des lettres et des chiffres pour les lecteurs malvoyants. Mais le caractère Luciole a aussi été conçu comme un outil performant à destination des professionnels de l’édition adaptée : des variantes stylistiques contrastées pour hiérarchiser l’information, un support linguistique qui couvre près d’une centaine de langues et de nombreux symboles mathématiques. La bourse de la Fondation Ceres a permis la mise à disposition gratuite du Luciole au plus grand nombre qui était, dès le départ, l’une des conditions de ce projet.

Qu’est-ce que ce projet t’a apporté ?

C’est la première fois que l’on investit autant le champ de la lecture numérique. Dans quelques semaines, le Luciole sera par exemple inclus dans Dolphin EasyReader, l’une des principales applications mondiales pour la lecture de livres adaptés. Tous les livres numériques seront facilement accessibles en Luciole, y compris sur ordinateurs, tablettes et smartphones.

Si Luciole était un personnage de fiction, ce serait ?

Gaëlle dans La Passe-miroir. Parce que c’est celle qui permet de mieux voir le monde.


Pour en savoir plus

Luciole

typographies.fr