Vous avez l’habitude maintenant, sur le blog de l’Agence Adéquat nous rédigeons des articles qui traitent de l’accès à l’information pour tous. Nous n’aborderons donc pas le sujet de l’égalité des sexes (même si nous avons notre avis sur la question 😉 ) Nous allons vous parler d’orthographe ou écriture inclusive.
L’écriture inclusive, c’est quoi ?
L’orthographe inclusive assure une égalité de représentation entre les femmes et les hommes. Cette écriture est dite inclusive, c’est à dire qu’elle prend en compte tout le monde.
En utilisant des points médians, nous donnons la version masculine et féminine d’un mot. Par exemple, au lieu d’écrire « les commerçants », nous écrivons « les commerçant·e·s ». Ce point qui sépare les lettres est le point médian.
Mais l’écriture inclusive ce n’est pas que les points médians. C’est aussi :
- Accorder les noms de fonctions, grades, métiers et titres lorsqu’il s’agit de femmes.
- Ne plus mettre de majuscule de prestige à « Homme » et utiliser plutôt « humain » que « homme ».
Mais l’écriture inclusive est-elle si inclusive que ça…?
Dans notre métier, lorsque nous parlons d’inclusion nous pensons aux personnes âgées, aveugles et malvoyantes, sourdes et malentendantes, autistes, déficientes intellectuelles, avec un handicap moteur, daltoniennes, avec des troubles « DYS »…
Nous nous sommes donc posé la question : l’écriture inclusive prend-t-elle en compte les personnes en situation de handicap ?
Orthographe inclusive et déficience visuelle
Le 20 novembre 2017, la Fédération des Aveugles de France publiait un communiqué sur le sujet. Vincent Michel, son président, indiquait alors que cette orthographe n’était tout simplement pas lisible pour les utilisateurs de synthèse vocale et lecteurs d’écran. Une grande majorité des personnes aveugles utilisent un logiciel de lecture pour pouvoir naviguer sur internet. A l’heure actuelle, l’orthographe inclusive n’est pas lisible.
Nous vous proposons de découvrir ce test que nous avons réalisé avec les phrases suivantes :
Est-ce que l’une des orthographes suivantes passe « correctement » avec un logiciel de lecture vocale pour un aveugle ou déficient visuel ? Ou est-ce que tout est désagréable à la lecture ?
Sommes nous prêtEs pour l’écriture inclusive ?
Sommes nous prêt.e.s pour l’écriture inclusive ?
Sommes nous prêt·e·s pour l’écriture inclusive ?
Sommes nous prêt-e-s pour l’écriture inclusive ?
Sommes nous prêt(e)s pour l’écriture inclusive ?
Sommes nous prêt/e/s pour l’écriture inclusive ?
Cet exemple est très clair : l’information est difficile à comprendre. A l’avenir, les logiciels pourront-ils être parametrés pour prendre en compte l’orthographe inclusive ?
Orthographe inclusive et troubles « DYS »
Les troubles dits « DYS » regroupent plusieurs familles. La dyslexie est la plus médiatisée, mais il existe également la dyspraxie, la dysorthographie, la dyscalculie et la dysphasie.
En octobre 2017, la Ministère de la Culture, Françoise Nyssen posait la question : « Comment font les enfants dyslexiques pour s’en sortir avec cette écriture là ? » La question est pertinente. La lisibilité et la compréhension de l’écriture inclusive peuvent être de nouvelles difficultés pour les personnes dyslexiques. En effet, les points médians, inhabituels, peuvent venir perturber la lecture. Cette question se pose également pour les enfants en apprentissage de la lecture, les personnes âgées, les personnes déficientes intellectuelles ou lisant mal.
Agnès Vetroff, Présidente d’APEDYS Isère et d’ANAPEDYS France, estime que « ça peut compliquer la lecture pour les élèves dyslexiques ». En effet, la ponctuation est déjà une difficulté pour certains enfants en apprentissage de la lecture. Françoise Garcia, vice-présidente de la Fédération nationale des orthophonistes, est du même avis. La société Aidodys, solution web pour les troubles DYS et autres difficultés de lecture, mentionne également que « l’écriture inclusive est compliquée pour les élèves ayant des difficultés de lecture. »
Orthographe inclusive et déficience intellectuelle
Pour certaines personnes, la lecture est l’apprentissage d’une vie et demande des efforts importants. L’introduction d’une ponctuation inhabituelle est un nouveau challenge à relever. Le risque est que l’information ne soit tout simplement pas comprise.
Ecriture inclusive, oui, point médian, bof.
L’intégration d’un signe typographique comme le point médian au sein même des mots a un impact sur la qualité et la rapidité de lecture, handicap ou non.
Les connaissances que nous avons en neurosciences permettent déjà de pressentir l’impact de ce point médian sur la lecture pour tous les publics. La difficulté du point médian est qu’il crée une cassure rendant une partie du mot imprononçable.
L’article « Ecriture inclusive et point médian : et si l’on causait science ? » donne l’exemple du pronom ceux/celles. En utilisant le point médian, cela s’écrit : ceux·lles. Le suffixe ·lles n’étant pas prononçable, il est donc plus difficile à lire, comme si il s’agissait d’un nouveau mot. L’habitude pourra permettre l’apprentissage de ces nouvelles formes d’orthographe. Cependant, pour les publics ayant des difficultés de lecture, cela creuse davantage l’inégalité dans l’accès à l’information.
Pour conclure…
Bien sûr, entre l’inclusion des femmes dans la langue français et l’accès à la lecture de tous les publics, notre coeur balance… Le point médian reste le point complexe de cette nouvelle orthographe.
Il est donc préférable, autant que possible, d’écrire entièrement chaque mot. Par exemple, préférez « Sommes nous prêts et prêtes pour l’écriture inclusive ? » à « Sommes nous prêt·e·s pour l’écriture inclusive ? »
Mathilde Jolivet, experte dans l’accès à la culture et la médiation, ajoute, très justement que « s’il est difficile de lire l’écriture inclusive, cela ajoute également une difficulté pour écrire. Il faut une excellente maitrise du français pour utiliser l’écriture inclusive en tant qu’auteur. Si cette écriture devait devenir la norme, cela pourrait creuser le fossé entre les personnes « aptes » à s’exprimer par écrit et ceux qui n’oseront plus le faire. »
Le débat est donc en cours, avec des avis divergeants concernant l’accès à l’information pour tous. La réalisation d’une étude poussée auprès des publics concernés permettrait de développer une solution la plus inclusive possible. Qui s’y colle ? 😄
Sources :
Ecriture inclusive et point médian : et si l’on causait science ?